Surplomb du domaine public

La pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public (PC10) doit être jointe au dossier de permis de construire quelle que soit la nature du surplomb (CE, 23 nov. 2022, n° 450008).

L’article R. 431-13 du code de l’urbanisme dispose que :

« Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ».

Si ce texte ne fait pas expressément référence au surplomb, le formulaire Cerfa du permis de construire vise bien dans la rubrique PC10, au titre de l’article précité, le projet qui « se situe sur le domaine public ou en surplomb du domaine public ».

Cependant, les services instructeurs n’exigent pas, dans les faits, une telle pièce lorsque le surplomb s’inscrit dans les dimensions admises par le règlement du PLU, laissant entendre que dans ce cas le permis de construire valait lui-même implicitement autorisation d’occupation.

Ainsi, pour ce qui concerne le PLU de Paris par exemple, le règlement prévoit que :

« UG.11.2.1 – Saillies* sur voies : Le rôle des saillies est de souligner et d’accompagner la composition architecturale des bâtiments existants ou à construire. La création de saillies peut être refusée si par leur aspect, leur importance ou le traitement proposé, elles sont incompatibles avec l’aspect général de la voie ; une attention particulière doit être portée au bon aspect de leur sous-face. La conception technique et esthétique des éléments de construction en saillie doit, dans la mesure du possible, permettre de les végétaliser.

1°- Rez-de-chaussée : Dans la hauteur du rez-de-chaussée sur voie, une saillie décorative de 0,20 mètre au maximum par rapport à la verticale du gabarit-enveloppe est admise sur une hauteur de 3,20 mètres au-dessus du trottoir ; cette saillie peut être portée à 0,35 mètre au-dessus de 3,20 mètres pour des bandeaux supports d’enseigne ou corniches dans la hauteur du soubassement. Des auvents d’une saillie au plus égale à 1,20 mètre par rapport à la verticale du gabarit-enveloppe, situés à plus de 3,20 mètres au-dessus du trottoir et au plus dans la hauteur du soubassement peuvent être autorisés pour marquer les entrées d’immeubles.

2°- Verticale du gabarit enveloppe : Une saillie de 0,20 mètre au maximum par rapport à l’alignement ou à la limite de fait de la voie est admise pour des éléments tels que bandeaux, corniches, appuis, encadrements de baies… sur toutes les voies quelle que soit leur largeur ; cette saillie peut être portée à 0,35 mètre sur les voies de 8 mètres de largeur et plus à partir de 3,20 mètres au-dessus du niveau du trottoir. Une saillie de 0,60 mètre au maximum par rapport à l’alignement ou à la limite de fait de la voie est admise pour les balcons sur les voies de largeur comprise entre 10 et 12 mètres, à partir de 3,20 mètres au-dessus du niveau du trottoir. Une saillie de 1 mètre au maximum par rapport à l’alignement ou à la limite de fait de la voie est admise pour les balcons et parties de construction sur les voies de largeur supérieure à 12 mètres, à partir de 3,20 mètres au-dessus du niveau du trottoir. La partie la plus saillante des ouvrages mentionnés aux deux alinéas précédents doit être en retrait d’au moins 1,20 mètre de l’aplomb de la bordure du trottoir ou d’un espace circulé.

En outre :

 La surface totale des saillies de ces ouvrages (surface des garde-corps comprise) ne peut excéder 50% de la surface délimitée, entre les limites séparatives latérales du terrain, par une ligne située à 3,20 mètres au-dessus du pied de la façade et la ligne des sommets des verticales des gabarits-enveloppes.

La saillie de ces ouvrages doit être distante d’au moins 0,60 mètre des limites séparatives latérales du terrain.

3°- Partie supérieure du gabarit-enveloppe : Au-dessus de la verticale du gabarit-enveloppe défini à l’article UG.10.2 sont autorisés :

a – des bandeaux, corniches, acrotères en saillie de 0,20 mètre au maximum par rapport au gabarit-enveloppe ;

b – des lucarnes dans la hauteur du volume de couverture dont le total des largeurs cumulées par niveau ne doit pas excéder 40 % de la longueur de la façade ;

c – des prolongements de façade ou de saillies de façade dans la hauteur du niveau situé au-dessus de la verticale à la condition que leur largeur n’excède pas 3 mètres ; le total des largeurs cumulées ne doit pas excéder 40% de la longueur de la façade ;

d – des garde-corps ajourés ne dépassant pas de plus de 1,20 mètre le gabarit enveloppe ;

e – des murs d’échiffre et murs coupe-feu en limite séparative des façades sur voie en saillie par rapport au plan de la couverture, de façon à présenter un profil harmonieux.

Les éléments cités respectivement au § b et c ci-dessus ne peuvent se cumuler sur un même niveau.

4°- Horizontale du gabarit-enveloppe : Au-dessus de l’horizontale du gabarit-enveloppe défini à l’article UG.10.2, sont autorisés :

a – des souches et murs coupe-feu supports de conduits ne dépassant pas de plus de 1,50 mètre le niveau du faîtage de la construction sur laquelle s’adossent le ou les conduits,

b – des garde-corps de sécurité ne dépassant pas de plus de 1,20 mètre le niveau du faîtage ou de l’acrotère de la construction ;

c – des édicules d’accès à des toitures-terrasses plantées afin de permettre leur végétalisation ;

d – des gaines de circulation verticale de largeur limitée à 3,50 mètres et dont la hauteur est limitée à 3 mètres en dépassement du plancher haut du dernier niveau desservi ; dans le cas d’une toiture, la hauteur est limitée à celle du faîtage. »

Le règlement du PLU de Paris ajoute à cet égard que :

« Les occupations du domaine public de voirie de la commune de Paris sont soumises à autorisation, conformément au Code de la voirie routière et aux Règlements de voirie établis pour son application. »

Le règlement de voirie de la ville de Paris prévoit de son côté que :

« L’occupation du domaine public routier par des surplombs de constructions, peut être autorisée dès lors que ceux-ci sont conformes aux dispositions du PLU, ou de tout autre document qui s’y substituerait. Cette autorisation est attachée au bâtiment. En cas de démolition de celui-ci, l’autorisation d’occupation du domaine public devient caduque. »

La pratique des services instructeurs avait été confirmée par une réponse ministérielle qui elle-même s’appuyait sur une jurisprudence.

A la question de savoir si, dans l’hypothèse du dépôt d’une demande de permis de construire portant sur un immeuble comportant des balcons en surplomb du domaine public, le pétitionnaire devait présenter dans son dossier la pièce PC10, l’Administration avait rappelé tout d’abord que les dispositions de l’article R. 431-13 du Code de l’urbanisme devaient se combiner avec celles de l’article L. 112-5 du Code de la voirie routière, aux termes duquel « Aucune construction nouvelle ne peut, à quelque hauteur que ce soit, empiéter sur l’alignement, sous réserve des règles particulières relatives aux saillies ».

Et de répondre que :

« Ces saillies peuvent être notamment des balcons, qui sont situés en surplomb du domaine public. La jurisprudence a toutefois admis pour un balcon surplombant le domaine public (CAA Lyon, 5 février 2013, n° 11LY00177) que, dans le cas où un plan local d’urbanisme n’exige une autorisation d’occupation temporaire du domaine public que lorsque les parties de construction en surplomb du domaine public communal se situent en dessous d’une hauteur inférieure spécifiée, la demande de permis de construire, qui respectait en l’espèce sur ce point les règles fixées par le plan local d’urbanisme, et était au demeurant d’une largeur réduite, n’avait pas à comporter une autorisation particulière de survol du domaine public. Il convient donc de se référer aux dispositions locales applicables en la matière (plan d’occupation des sols, plan local d’urbanisme ou règlement de voirie) pour apprécier si une permission de voirie est ou non nécessaire. » (Rép. Min., n° 08398, 16 oct. 2014, JO Sénat, p. 2352)

Un récent jugement du tribunal administratif de Paris est toutefois venu contrarier la pratique du service instructeur de la ville de Paris :

« 14. Il ressort des pièces du dossier que les balcons des façades donnant sur rue sont en saillie sur le boulevard de Grenelle et sur la rue Violet, qui constituent des voies communales. Il est constant que le dossier de demande de permis de construire ne comporte aucune pièce exprimant l’accord de l’autorité gestionnaire de ces voies pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public, le permis délivré ne tenant pas lieu d’autorisation d’occupation du domaine public. En outre, si l’implantation des balcons est conforme aux dispositions du 2° de l’article UG.11.2.1. du règlement du plan local d’urbanisme de Paris, cette circonstance est sans incidence sur l’obligation prévue à l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme d’obtenir l’accord du gestionnaire du domaine public. A cet égard, cet accord ne saurait résulter des dispositions du troisième chapitre du règlement de voirie de la Ville de Paris selon lesquelles « L’occupation du domaine public routier par des surplombs de constructions peut être autorisée dès lors que ceux-ci sont conformes aux dispositions du PLU (…) », qui se bornent à reconnaître une possibilité d’autoriser une occupation du domaine public routier conformes aux dispositions du plan local d’urbanisme. Aucune décision de déclassement n’était néanmoins nécessaire. Par suite, faute pour le dossier de demande de permis de construire de comporter l’accord de l’autorité gestionnaire de ces voies pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire litigieux a été délivré sur la base d’un dossier incomplet et qu’il est, pour ce motif, entaché d’illégalité. » (TA Paris 7 juin 2022,  n° 2114429)

Ainsi, la circonstance que le surplomb soit conforme aux règles du PLU ne dispense pas le pétitionnaire de joindre la pièce PC10. 

Dans son arrêt du 23 novembre 2022, le Conseil d’Etat est venu confirmer la position du tribunal administratif de Paris. En l’espèce, la maire de La Baule-Escoublac avait délivré un permis de construire autorisant l’édification d’un immeuble comportant des terrasses en surplomb du domaine public. Le dossier de permis ne comportait pas de pièce PC10.

Saisi d’un recours, le tribunal administratif de Nantes avait jugé que les balcons en surplomb du domaine public prévus par le projet n’avaient pas pour effet de compromettre l’affectation au public du trottoir qu’ils surplombent et n’excédaient pas, compte tenu de la faiblesse du débord et de l’élévation par rapport au sol, le droit d’usage appartenant à tous. Ce n’est donc pas sur la circonstance que le surplomb était conforme aux règles du PLU que le juge s’est fondé, mais simplement sur le caractère mineur de ce surplomb.

Le Conseil d’Etat a finalement estimé que le tribunal administratif avait commis une erreur de droit en recherchant si ce projet pourrait être légalement poursuivi au regard des règles de la domanialité publique et non pas si le dossier de demande comportait la pièce qui était requise par l’article R. 431-13 du Code de l’urbanisme dès lors que le projet portait sur une dépendance du domaine public (CE, 23 nov. 2022, n° 450008).

Cette solution jurisprudentielle créé une insécurité juridique pour toutes les constructions comportant des éléments en surplomb sur le domaine public édifiées conformément à un permis de construire au dossier duquel aucune pièce PC10 n’a été jointe. Même si le permis de construire présente un caractère définitif et ne peut être remis en cause, on peut tout de même se poser la question de savoir s’il ne conviendrait pas de régulariser la situation au regard de la domanialité publique puisqu’il nous est suggéré que toute situation de surplomb sur le domaine public sans exception doit faire l’objet d’une autorisation d’occupation temporaire pour chaque cas où l’on pensait en être dispensés.

Toutefois, il y a sans doute lieu de relativiser la portée de cet arrêt. Le Conseil d’Etat a semble-t-il voulu recentrer le contentieux du permis de construire sur la question de la complétude du dossier, étant rappelé que la pièce PC10 consiste en l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public. Si cet accord n’est pas suivi d’effet, la validité du permis de construire ne pourra pas être remis en cause.

Il s’agit là d’ailleurs d’un élément de souplesse par rapport au régime antérieur à la réforme de 2007. L’ancien article R. 421-1-1 du Code de l’urbanisme prévoyait en effet en son dernier alinéa que « Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d’occupation du domaine public, l’autorisation est jointe à la demande de permis de construire ».

Au demeurant, que la pièce PC10 soit jointe ou non au dossier de permis de construire, le risque qu’implique in fine l’absence d’autorisation d’occupation temporaire reste très théorique. A notre connaissance, dès lors qu’une construction comportant des éléments de surplomb sur le domaine public a été régulièrement édifiée au regard de la législation de l’urbanisme, aucune action n’a jamais été engagée par le gestionnaire du domaine ainsi surplombé.

En tout état de cause, le régime de l’autorisation d’occupation du domaine public, qui présente un caractère temporaire, précaire et devant donner lieu au paiement d’une redevance, paraît peu compatible par nature avec une situation où des éléments de construction surplombent le domaine public.

Sébastien Lamy-Willing