Les Data center ne sont pas soumis à la taxe pour création de bureaux

Les data center ne constituent pas des locaux de stockage au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 520-1 du Code de l’urbanisme (CE, 11 octobre 2022, n° 463134)

La taxe prévue à l’article L. 520-1 du Code de l’urbanisme est perçue, en Ile-de-France, « à l’occasion de la construction, de la reconstruction ou de l’agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage définis, respectivement, aux 1°, 2° et 3° du III de l’article 231 ter du code général des impôts ».

Par un jugement du 11 février 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait jugé que les data center n’étaient pas soumis à la taxe pour création de bureaux prévue à l’article L. 520-1, au motif que :

« 5. L’administration, qui ne peut se fonder sur sa propre doctrine, ne peut se prévaloir de la définition des locaux de stockage donnée par l’instruction du 11 mars 1999 publiée au bulletin officiel des impôts, ni par ailleurs, du guide sur le « cloud computing » et les « datacenters » élaboré par la Caisse des dépôts et consignations, dont les mentions ne sont pas opposables à la requérante. Si elle fait également valoir qu’à la suite de la modification de la liste des destinations de construction dans le code de l’urbanisme, des sous-destinations de constructions ont été créées, dont la sous-destination « entrepôt », qui recouvre des constructions destinées au stockage de biens ou à la logistique, et notamment les centres de données, cette réforme est relative au contenu des plans locaux d’urbanisme. Enfin, la fiche technique du ministère du logement et de l’habitat durable, qui inclut dans la sous-destination « entrepôt », les centres de données, n’a aucune portée juridique » (TA Cergy-Pontoise, 11 févr. 2022, n° 2105668)

Le Conseil d’Etat a confirmé ce jugement, pour des motifs similaires mais rédigés différemment :

D’une part, les données numériques traitées dans les locaux en litige ne constituent ni des produits, ni des marchandises, ni des biens, au sens du 3° du III de l’article 231 ter du code général des impôts cité ci-dessus au point 2. D’autre part, et contrairement à ce que soutient la ministre, la circonstance, non contestée, que ces locaux abritent des matériels et infrastructures informatiques en fonctionnement ne saurait conduire à regarder ces locaux comme destinés à un entreposage au sens des mêmes dispositions.

Si les data center ne peuvent être assimilés à des locaux de stockage au sens de l’article L. 520-1 du Code de l’urbanisme, il y aurait alors lieu de considérer qu’ils ne constituent pas des entrepôts au sens des destinations et sous-destinations prévus aux articles R. 151-27 et R. 151-28 du même code.

Cet arrêt pourrait alors remettre en cause la position exprimée par la DRIEAT dans la fiche repère qu’elle a édictée le 1er mars 2022 et dans laquelle il est indiqué que « Les centres de données sont classés dans la catégorie « entrepôt » au titre des destinations du code de l’urbanisme (cf. Guide de la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme, Ministère du logement et de l’habitat durable, avril 2017, p. 76) » et qu’ils sont à ce titre soumis à agrément (source : https://www.drieat.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_repere_dc_fev2022_vdef.pdf).

Néanmoins, le projet de réforme des destinations et des sous-destinations actuellement en cours de préparation prévoit d’insérer expressément les « centres de données » dans la définition donnée aux entrepôts aux termes de l’arrêté du 10 novembre 2016. Cette assimilation ne résultera alors plus simplement de la doctrine administrative mais revêtira une valeur réglementaire.

Si cette réforme devait être adoptée, elle ne remettrait toutefois probablement pas en cause l’arrêt du Conseil d’Etat ici commenté car en application du principe d’indépendance des législations, le champ d’application de la taxe ne peut être apprécié qu’au regard des définitions données par l’article 231 ter du Code général des impôts et non de celles données au titre des destinations et sous-destinations.

Sébastien Lamy-Willing